Dans un CDI, la dimension relationnelle est primordiale. Accueillir les publics est une composante essentielle du métier. Et chacun croit qu'il est unique, que son problème est unique, que sa question est unique. Alors réponse unique, et faire croire à l'autre qu'effectivement il est unique. Et puis, il y a les interventions auprès des élèves, comme ces élèves de sixième que j'ai accueillis ce midi pour leur faire un topo sur le CDI et ses règles de vie. Avec eux aussi, avec eux surtout, soigner l'accueil, surtout la première fois, sinon bye bye, on reviendra quand le monsieur du CDI sera parti, ou alors sous la menace. Cette dimension relationnelle est l'une des clés de voûte de ce métier de documentaliste, et c'est clairement passionnant. C'est le côté scène. La lumière.
Puis, il y a tout ce que les usagers ne voient pas, ce que l'on met en attente le temps d'une rencontre, ces phrases que l'on coupe sans égard à l'écran laissant les syllabes meubler la conversation numérique, ces questionnements et cogitations internes dont les réponses sont parfois suspendues à l'arrivée d'un usager, ces multiples tâches en arrière-plan de la journée. En vrac, des exemples : comprendre quand s'est interrompu l'abonnement à BCDI, retrouver à quand remonte le dernier envoi des MémoNotices du CRDP, interroger les tiroirs des archives à la recherche de manuels de Géographie et d'Histoire à prêter à un autre établissement, s'apercevoir des erreurs de catalogage dans la base des romans et des documentaires et les corriger, etc. C'est le côté backstage. L'ombre.
Je m'en passerais volontiers, mais il est inhérent au métier. Le souci réside dans son caractère chronophage. Et du temps, finalement, dans une journée, il y en a peu quand on est occupé sur scène.
Sans transition, quoique. J'ai appris que je disposais d'un joli budget pour acheter des livres, pour renouveler les abonnements voire en lancer de nouveaux. Je dois coucher une liste de bouquins dans les prochains jours, je dois aussi me déplacer non pas chez un mais chez trois libraires pour faire établir trois devis. Je croyais pourtant que le prix du livre était unique... Mais il y a la LOLF, la Loi Organique relative aux Lois de Finances, qui impose notamment aux établissements de prouver qu'ils ont fait jouer la concurrence, sans les obliger pour autant à choisir le devis au moindre coût. Peu importe ce blabla bureaucratique, je n'ai pas le temps d'aller courir trois librairies. Donc, le temps, toujours le temps, l’atrabilaire partenaire de nos projets, ce temps rare et précieux, soluble dans la lumière comme dans l'ombre, le temps ennemi, le temps ami, le temps nous manque pour vivre une vie de documentaliste.
J'ai un rhume.